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La Communauté du savoir : un réseau transfrontalier franco-suisse en construction

Communauté du Savoir

28.09.2017


Newstank le vendredi 28 juillet 2017

 

La Communauté du savoir : un réseau transfrontalier franco-suisse en construction


Paris - Publié le vendredi 28 juillet 2017 à 10 h 15 - Essentiel n° 98796

Réseau de fablabs franco-suisses, cartographie des acteurs du territoire, gouvernance concertée… la « Communauté du savoir », réaffirmée par une deuxième déclaration d’intention en décembre 2016 à Besançon, réunit aujourd’hui sept universités et grandes écoles, de part et d’autre de la frontière franco-suisse (Arc jurassien).

• Côté français , il s’agit de l’ENSMM, de l’Université de Franche-Comté et de l’UTBM ;
• Côté suisse  : HE-Arc (Haute École Arc), HEIG-VD (Haute école d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud), l’Université de Neuchâtel et HEP-BEJUNE (Haute école pédagogique BEJUNE).

 La dynamique est portée par des financements Interreg qui permettent de développer les collaborations dans la recherche, l’enseignement et l’innovation. La CDS ne dispose pas de la personnalité juridique, son développement repose donc sur le volontariat de ses membres. Les raisons de mieux travailler entre Suisse et France sont nombreuses et ont été mises en évidence par les acteurs. Toutefois, des obstacles aux collaborations demeurent.
Alors qu’un bilan global sera fait lors du prochain colloque de la CDS, prévu à l’automne 2018, News Tank analyse ce cas avec Aurore Niechajowicz, cheffe de projet pour la France à l’Université de Franche-Comté, et Thierry Brunet, chef de projet CDS (Communauté du Savoir) pour l’Arc jurassien.

Cet article poursuit la série de News Tank sur les différents modèles de coopération transfrontalière. Le campus transnational nord méditerranéen a fait l’objet d’un premier article le 09/06/2017, les enjeux franco-belges ont été évoqués le 22/06/2017, et Eucor - Le campus européen, le 27/06/2017. 

Seront encore présentés à la rentrée 2017 :
• l’Université de la grande région (Lorraine) ;
• le programme transfrontalier Normandie-Trans-Manche ;
• l’Université franco-espagnole.


La construction du projet

·       Les origines : le début des années 2010. « Avant 2011, des collaborations existaient entre les universités françaises et suisses, notamment entre l’UTBM et la Haute Ecole Arc, mais de manière interpersonnelle ou empirique », indique Aurore Niechajowicz, cheffe de projet chargée de la CDS à l’Université de Franche-Comté.

·       En 2011 naît l’idée de concrétiser ce réseau et de l’étendre à d’autres écoles du périmètre, ainsi qu’à des partenaires économiques, dans une logique de développement de projets, d’orientation vers les entreprises et de transfert de technologie.

·       En mars 2012, un colloque franco-suisse est réuni dans les locaux de l'ENSMM à Besançon. L’idée de la CDS est lancée, autour d’un catalogue des projets de coopération franco-suisses. Une déclaration d’intention est signée par 17 structures françaises et suisses, visant à la préparation d’un projet Interreg.

Plusieurs éléments justifiaient de constituer une telle communauté dans l’Arc jurassien :

·       Une réflexion menée côté suisse sur l’importance de la mise en réseau des mondes de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation et sur l’opportunité de mener ces actions en transfrontalier.

·       « Du fait de notre frontière et de notre passé industriel commun avec la Suisse, notamment autour de l’horlogerie, des microtechniques, ou encore dans les domaines de la santé, travailler à l’échelle transfrontalière avait tout son sens », explique Aurore Niechajowicz.

·       L'évaluation intermédiaire du programme Interreg IV France-Suisse avait mis en avant la qualité supérieure à la moyenne des projets de recherche et de transfert initiés entre les partenaires suisses et français, particulièrement dans l’Arc jurassien. L’évaluation avait toutefois noté que ces projets présentaient une grande faiblesse en matière de pérennisation.


2013-2015 : de la définition des objectifs aux premières actions concrètes


En 2014, une première programmation est arrêtée et aboutit au dépôt d’un projet Interreg IV.

« À cette époque, il s’agissait d’un accord de coopération, visant à constituer une communauté, et à lui faire prendre corps d’un point de vue pratique », retrace Thierry Brunet, chef de projet pour l’arc jurassien côté suisse.

Ce premier cadre de coopération visait différents objectifs, en cohérence avec les objectifs de la stratégie Europe 2020 :

·       garantir la pérennité des collaborations franco-suisses existantes ;

·       passer de projets ponctuels à des grappes de projets consistants et cohérents entre eux ;

·       permettre l’émergence de nouveaux projets ;

·       affirmer une excellence territoriale.


Les objectifs pour développer le réseau


Logo de la CDSLe projet a été financé de 2013 à 2015 par le biais d’un montage Interreg IV avec le soutien de l’Europe et de la Confédération suisse. Un projet porté, côté suisse, par l’association arcjurassien.ch, réunissant les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud. Et côté français, par l’Université de Franche-Comté. 

En décembre 2014, lors d’un 2e colloque à Neuchâtel, un nom définitif est adopté pour le réseau, ainsi qu’un logo.

À cette occasion sont validées des pistes visant à préparer un deuxième projet Interreg et assurer la continuité de cette première initiative.

·       Assurer une gouvernance transfrontalière concertée et pérenne dans les domaines de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de l’Arc jurassien.

·       Dynamiser les échanges entre les chercheurs et favoriser l’émergence de grappes de projets consistants et cohérents entre eux.

·       Stimuler les échanges d’étudiants et de professeurs, avec la mise en place de stages et de séminaires et développer de nouvelles collaborations et formations pour les acteurs de l’enseignement supérieur.

·       Est aussi prévue une valorisation de l’offre de formation continue, une mise en réseau des bibliothèques, un soutien à la mobilité des collaborateurs des structures académiques de la CDS.

·       Développer la créativité et l’esprit d’innovation. Dans ce cadre est prévue la mise en réseau de toutes les structures de créativité et d’innovation, et notamment des Fablabs.

·       Cet axe comprenait aussi, l’édition d’un guide des financements et le lancement d’un projet appelé ArcLab destiné à mettre en lien les chercheurs et les acteurs des pouvoirs publics du territoire sur des sujets de veille et de prospection territoriale.

·       Qualifier et valoriser l’Arc jurassien pour favoriser l’accès aux compétences dans les domaines de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

·       Parmi les outils prévus : une cartographie en ligne des acteurs du territoire. Mais aussi des webcasts (conférences filmées, retransmises en direct avec possibilité de poser des questions en ligne aux conférenciers), ou des captations d'événements organisés par les partenaires de la CDS.


2015-2018, le renforcement des coopérations

Colloque 2016 de la Communauté du Savoir - © UTBMCe projet, validé par Interreg V depuis début 2016, est en cours et se déploie jusqu’à la fin 2018. Les années 2015 et surtout 2016 ont vu le démarrage d’une première partie des actions de la CDS, notamment celles qui portent sur les aides à la mobilité, au lancement de projets de recherche, l’organisation de journées thématiques et la mise en réseau des bibliothèques.

En décembre 2016, à l’occasion du 3e colloque de la Communauté du savoir à Belfort, autour de la thématique « frontières, dynamiques et enjeux d’un territoire frontalier », une nouvelle déclaration d’intention est signée par les trois coprésidents de la Conférence transjurassienne.


Un nouveau partenaire académique


Un document avant tout porteur, côté innovation, de l’intégration d’un nouveau partenaire académique côté Suisse : la HEP-BEJUNE.

Via un accord-cadre, les sept établissements membres du réseau franco-suisse de l’Arc jurassien ont aussi réaffirmé leur volonté de soutenir le dynamisme politique du partenariat en cours, et ont précisé leurs pistes respectives de formalisation des axes précédemment cités.

Début 2017 est lancée la seconde partie des actions, notamment autour des questions de formation, de recherche et de gouvernance.


Le budget

• Première phase (2013-2015) : le projet global financé via Interreg IV s’élevait à environ 420 k€. Le conseil régional de Franche-Comté participait alors à hauteur de 45 k€ (soit 20 % du budget côté France), ainsi que les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud (à hauteur de 55 k€, soit 27 % du budget suisse).

• Deuxième phase (septembre 2015-décembre 2018) : autour d’1,8 M€ pour les deux pays, quasi à 50-50 entre France et Suisse.


Pas de personnalité juridique

« À ce jour, la CDS n’a pas de personnalité juridique, et les coopérations transfrontalières reposent sur le volontariat. Elles ne sont pas réservées aux seuls membres du réseau. Mais l’idée est d’encourager le réflexe local et de susciter la curiosité d’aller voir ce qui se passe chez ses “collègues” de l’autre côté de la frontière », informe Thierry Brunet.

Ce partenariat est susceptible d'être élargi, si cela s’avère utile et pertinent, une fois les bases de la CDS posées et sa dynamique installée. Il est en outre tenu compte des processus de fusion des régions et de rapprochement des établissements d’enseignement supérieur actuellement en cours côté français, notamment la mise en place de l’Université Bourgogne Franche-Comté.

« Le fait de nous associer à des établissements suisses nous permet de gagner en compétences, en visibilité et de nous distinguer d’autres structures, notamment au sein des Comue. Cela nous aide à nous affirmer dans l’espace Europe où notre territoire peut passer inaperçu », apprécie Aurore Niechajowicz


Difficulté à créer des diplômes communs

L’heure est au recensement des modalités possibles pour faire de la co-pédagogie et de la co-ingénierie de formation franco-suisse, en s’inspirant de ce qui existe déjà. L’objectif est de dresser un catalogue de bonnes pratiques et de formuler des préconisations d’ici juin ou septembre 2018. 

« Créer des diplômes conjoints est très compliqué, avec l’obligation de réfléchir par niveaux de formation, par disciplines et de passer par des procédures de validation des contenus. Il faut donc identifier des besoins en commun et s’assurer qu’ils concernent suffisamment d’étudiants. Pour l’instant nous raisonnons plutôt en co-construction de parcours, avec emboîtement de diplômes préexistants : par exemple, compléter un bachelor préparé en trois ans dans un établissement par un titre d’ingénieur préparé de France, au cours de deux années complémentaires », évoque Thierry Brunet


Communiquer pour mieux se faire connaître

« Maintenant que les actions et leurs critères d’application sont bien définies et les financements obtenus, nous sommes en plein dans la phase de communication pour faire connaitre la CDS. Il s’agit d’ouvrir des opportunités maximales à ceux qui souhaiteraient faire appel à nous pour mettre en place leurs projets, sans période creuse », précise Aurore Niechajowicz.


Une dynamique en marche

D’ores et déjà, les avancées du projet sont jugées satisfaisantes, estime Thierry Brunet :

« La mise en réseau des partenaires et la diffusion des savoirs commencent à bien fonctionner. Les bibliothèques ont signé une charte spécifique, opérationnelle depuis décembre 2016. Nous accueillons nos premiers étudiants bénéficiaires de bourses de stages CDS, et notre programme en matière de webcasts est déjà très chargé pour la rentrée. »

Quant au réseau des fablabs, « il est à présent actif. Nous comptons actuellement une douzaine de Fablabs labellisés ou de tiers-lieux, dont sept en France ». Leur mutualisation, pilotée par la Haute Ecole Arc de Neuchâtel, permet de développer des actions en commun, par exemple des modules de formation, et de procéder à des échanges de matériels.

En projet pour courant 2018 : un fablab mobile, qui permettrait de toucher d’autres populations, notamment scolaires. « Un outil particulièrement appréciable dans nos régions de moyenne montagne, pas toujours accessibles », dit Thierry  Brunet.

Il faut aussi réfléchir à la pérennisation de ce réseau et des services qu’il propose. Cela se fera sûrement sous la forme d’un nouveau projet soutenu par Interreg V qui démarrerait dès janvier 2019.


Les obstacles qui demeurent

·       Culturels. Une méconnaissance mutuelle demeure. « On a beau être proches et parler tous français, on ne se connaît pas très bien », note Aurore Niechajowicz. « Nous menons un important travail sur la cartographie, car tous ne savent pas forcément ce que propose l’établissement situé de l’autre côté de la frontière », complète Thierry Brunet.

·       Géographiques. La CDS s’étend sur un territoire de moyenne montagne, aux centres urbains dispersés, et aux réseaux de transports publics peu développés, surtout côté français. Ce contexte complique la mobilité des étudiants et des chercheurs. Les webcasts font partie des solutions envisagées tout comme les bourses de stages ou l’accompagnement de la mobilité des personnes issues de chaque établissement lorsqu’elles se rendent à des ateliers ou à des séminaires transfrontaliers.

·       Administratifs. Les systèmes de référencement des titres et l’organisation universitaire diffèrent entre les deux pays. « Dans l’Hexagone, la politique en matière d’enseignement supérieur et de recherche est portée au niveau national, alors qu’en Suisse elle peut différer d’un canton à l’autre », pointe Thierry Brunet. Des ajustements sont également à prévoir côté au niveau des périmètres d’intervention.

« Il nous faut également harmoniser le régime des cotutelles de thèses, car souvent on constate que l’étudiant va s’inscrire dans un établissement, avec une simple mention de l’autre établissement, du fait des problèmes administratifs, il n’y a alors pas de mise en avant de la plus-value franco-suisse, ajoute Aurore Niechajowicz. Nous travaillons aussi à la mise en place d’un guichet d’évaluation des projets Interreg de recherche, au sein de la CDS, afin de fluidifier les demandes et d’accompagner les décideurs dans leurs prises de décisions. »

·       Économiques. La Suisse présente un coût de la vie plus élevé qu’en France. D’où une réticence des étudiants français à choisir la Suisse pour leurs stages, faute de moyens. S’ajoutent des difficultés techniques pour la détermination des montants des bourses de stage, du fait de la variabilité des taux de change.

·       Budgétaires et administratifs. La Suisse n’étant pas dans la zone euro, il n’est pas toujours facile de trouver les financements côté suisse.

« Le principe posé par Interreg est celui d’une parité de financement entre la France et la Suisse, avec une tolérance quand les déséquilibres sont faibles, détaille Thierry Brunet. Les écarts de taux de change peuvent aussi poser des écueils techniques dans le montage des budgets et dans la répartition des fonds des actions. Par ailleurs, les règles européennes sont assez contraignantes : par exemple pour certaines actions, en France il faut un marché public, ce qui n’est pas le cas en Suisse. Et les modalités diffèrent d’un côté ou de l’autre, avec des seuils de déclenchement différents. »


La Communauté du Savoir : chiffres clés

• 34 000 étudiants
• 9 000 diplômés / an
• 1 500 doctorants
• 2 500 enseignants -chercheurs